Aborder le sujet de la mort n’est pas chose aisée. C’est pourtant le défi que le studio Lotus Thunder Games a décidé de relever en se lançant dans la création de Spiritfarer. Touchant et élégant, ce jeu nous démontre avec brio qu’il est possible de parler d’un sujet difficile avec douceur.
Sorti le 18 Août 2020 par les créateurs du sombre Sundered, Spiritfarer est la preuve que le collectif montréalais Lotus Thunder Games peut également exceller dans l’écriture d’histoires mélancoliques et émouvantes.
C’est dans un monde tout droit sorti d’un récit mythologique que nous incarnons Stella, une jeune fille qui se retrouve à succéder au rôle de passeuse d’âme, anciennement occupé par Charon. Au commande d’un navire, elle accueille alors les âmes des défunts pour un ultime et merveilleux voyage à ses côtés.
Spiritfarer se présente comme un jeu de gestion dans lequel vous aurez à subvenir aux multiples besoins de vos hôtes. Vous allez devoir prendre grand soin d’eux afin de les aider à traverser cette épreuve difficile et être prêts à rejoindre l’Everdoor, la porte qui les mènera à l’après-vie.
Des rencontres et des séparations
Tout au long de votre périple, vous rencontrerez divers esprits, vraiment attachants, qui vous accompagneront dans vos voyages jusqu’au jour de la fatidique séparation. La représentation de ces âmes sous des traits d’animaux de cartoon peut paraître un peu « simpliste » au premier abord, mais rassurez-vous, il n’en est rien ! En effet, de profondes et véritables histoires humaines se cachent en réalité derrière ces avatars enfantins. pour cela, les membres du studio Lotus Thunder Games se sont directement inspirés du vécu de leurs proches pour rendre chacune de vos relations avec ces « esprits » plus authentique.
Au fur et à mesure de votre voyage, vous tisserez des liens intimes et profonds avec ces âmes défuntes, qui deviendront bientôt une part de vous-même.. Une belle et rare expérience d’empathie grâce au jeu vidéo.
De plus, Spiritfarer est un jeu dans lequel la mort n’est pas perçue comme une fin en soit, froide et austère, mais plutôt célébrée comme une partie du cycle de la vie, à l’image du « Jour des Morts » de la culture mexicaine. D’ailleurs, l’héroïne porte un chapeau semblable à un sombrero… Coïncidence ?
La mort tout en sons et en couleurs !
Reconnu pour leur originalité artistique, le studio Thunder Lotus nous gâte une nouvelle fois avec leurs animations fait-main et leurs sublimes couleurs pastel. Ce parti pris esthétique participe grandement à l’atmosphère paisible et bienveillante dans laquelle nous immerge Spiritfarer dès les premières secondes de jeu.
La douceur qui émane de ce titre est également portée par la quiétude de sa bande son, réalisée par le compositeur canadien Max LL. Ce musicien multi-instrumentiste a une nouvelle fois prouvé qu’il était capable d’abolir toutes frontières entre jeux vidéo et cinéma : sa musique, véritablement immersive, nous plonge dans cette « douce mélancolie » si caractéristique du jeu.
Vivre sa meilleure mort ?
Dans un paysage vidéo-ludique incitant les joueurs à « sauver leur peau » quitte à infliger la mort, Spiritfarer détonne. En effet, il prend en parfait contrepied cette mode du Battleroyal, si symptomatique de notre société actuelle, en abordant avec élégance et douceur la dure question du deuil.
Il n’est plus question ici de « vivre notre meilleure vie », injonctions aussi égoïstes que récurrentes sur nos réseaux sociaux, mais plutôt de « mieux accepter notre mort« . Il n’est pas non plus question de « perdre », de ne « pas y arriver », de surmonter des défis, d’optimiser des gains : en véritable hymne à la rêverie, tout n’est que contemplation et bienveillance. Un éloge à la lenteur.
Une toute autre histoire…
Mais Spiritfarer peut aussi être considéré comme une relecture colorée et chaleureuse d’un conte mythologique bien plus noir et diabolique.
Dans la mythologie grecque, Charon était un passeur d’âme, qui transportait sur sa barque les âmes des morts. Et cela n’avait hélas rien de l’agréable voyage que nous vivons sur Spiritfarer ! En effet, les eaux sur lesquelles Charon voguait étaient celle du Styx, le fleuve à la source de la haine et à destination des enfers. Rien que ça !
De plus, l’Everdoor, la porte où Stella permet aux esprits de rejoindre l’après-vie, ressemble étrangement au bien nommé « Pont du Diable« . Selon la légende, l’architecte de ce pont aurait fait un pacte avec le démon : le prix à payer pour un pont en forme d’arche parfaite aurait été qu’aucun être humain ne pourrait jamais le traverser sans éviter de tomber dans la damnation éternelle. Bien loin de toute douceur ou empathie !
Mais ne vous inquiétez pas, Spiritfarer est avant tout une aventure bienveillante où vous êtes libre de faire des câlins à vos hôtes favoris…
Et si notre petit aparté vous a un peu trop effrayé, sachez que Stella est toujours accompagnée de son fidèle compagnon, un chat nommé « Daffodil », qui peut être incarné par un second joueur pour profiter de l’aventure en coopération avec un ami.. Alors vous sentez-vous prêt(e) à embarquer ?
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